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Date de mise à jour 14/05/2017

Anorexie mentale de l'adolescent

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P. Gerardina, E. Bumsela, I. Legacb

aCentre hospitalier du Rouveray, 4, rue Paul-Éluard, 76301 Sotteville-les-Rouen
bDépartement de pédiatrie, hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : priscille.gerardin@chu-rouen.fr (P. Gerardin)
 
 
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Arbre décisionnel – Commentaires

(1) Diagnostic, rappelons rapidement les signes cliniques typiques de l’anorexie mentale :

  • restriction alimentaire volontaire avec une lutte au moins au début contre la faim, marquée par un comportement alimentaire très particulier (tri des aliments, dissimulation, etc.) ;

  • amaigrissement rapide ou progressif ;

  • aménorrhée.

À ces trois « A » s’associe fréquemment le déni de la maladie, l’altération de l’image corporelle, le surinvestissement scolaire, l’hyperactivité motrice et intellectuelle, plus ou moins des envies boulimiques et des vomissements, ainsi qu’une restriction du sommeil et un certain isolement. Une potomanie peut être associée.

La 1re consultation pose le diagnostic de troubles du comportement alimentaire, élimine une cause organique, évalue le retentissement somatique et psychiatrique sur la jeune fille et son environnement, permet au terme de cette consultation d’estimer les orientations possibles.

(2) Éliminer une cause organique : bilan standard et orientation des examens complémentaires selon la symptomatologie clinique ; IRM cérébrale recherchant une tumeur cérébrale en cas d’anorexie atypique ou de trouble neurologique, recherche d’une maladie de crohn en cas de symptômes digestifs.

(3) Complications sévères : défaillance multi-viscérale avec risque d’insuffisance cardiaque et d’arrêt cardiaque, épanchement péricardique, syndrome occlusif, tachycardie, anomalie ECG, état confusionnel.

(4) Il n’y a pas dans la littérature de critères consensuels pour l’une ou l’autre de ces orientations : hospitalisation, prise en charge en ambulatoire, hospitalisation en médecine ou pédiatrie ou psychiatrie ou réanimation. Cela dépend surtout localement de l’existant, des structures et des pratiques des équipes. En cas de complications sévères, le traitement repose principalement sur la nutrition entérale associée au traitement symptomatique. Sur le plan psychiatrique, l’indication d’hospitalisation est posée face à un risque suicidaire, face à des tensions familiales importantes ou encore à la demande de l’adolescent lorsqu’il perçoit l’impasse de la conduite anorexique.

(5) La prise en charge multidisciplinaire associe une prise en charge psychiatrique, psychologique, pédiatrique ou médicale, diététique... L’adolescent et sa famille sont associés à cette prise en charge. Cette prise en charge s’articule autour de 3 axes:

  • le symptôme : la ré-alimentation. À ce niveau interviennent :

    •  le pédiatre, qui peut éventuellement poser l’indication d’une nutrition entérale à débit continu par sonde naso-gastrique;

    •  le diététicien, qui donne à l’adolescent les repères nécessaires à la prise en charge d’une alimentation normale;

    •  l’équipe soignante (en cas d’hospitalisation) par l’intermédiaire des repas thérapeutiques, le soignant se plaçant alors comme modèle, dans une optique de ré-apprentissage de comportements alimentaires normaux, et comme soutien des échanges relationnels qui sous-tendent les temps de repas.

  • la personnalité : la psychothérapie individuelle, à travers des entretiens réguliers avec le pédopsychiatre, le psychologue et l'équipe infirmière qui abordent les troubles de la personnalité, l'histoire du patient et ses facteurs de vulnérabilité. Le travail en groupes d'adolescents apporte une riche complémentarité;

  • la prise en charge de la famille : le pédopsychiatre reçoit la famille tous les 10 jours en moyenne, évalue et travaille sur les dysfonctionnements éventuels et peut orienter vers une thérapie familiale complémentaire.

En cas d’hospitalisation, le travail autour de ces 3 axes est étroitement lié à l’usage du contrat d’hospitalisation.

(6) La surveillance est régulière, psychiatrique et organique : entretiens avec surveillance du risque suicidaire ; surveillance clinique : poids, BMI, fréquence cardiaque, tension artérielle,… ; surveillance biologique : glycémie capillaire, ionogramme sanguin, phosphorémie, magnésémie.

(7) La nutrition entérale est rarement débutée dans l’urgence et à coordonner avec la prise en charge psychiatrique. L’augmentation des apports caloriques doit être progressive pour éviter la survenue d’un syndrome de re-nutrition inappropriée. Les apports initiaux recommandés sont de 10 à 20 kcal/kg/jr à augmenter progressivement tous les 3 jours, l’objectif étant une prise de poids de 150 à 300 g/j.

Le syndrome de re-nutrition inappropriée, qui peut évoluer vers un syndrome de défaillance multi-viscérale, associe une insuffisance cardiaque aiguë et/ ou des troubles du rythme, des troubles neurologiques, une insuffisance respiratoire, une hypophosphorémie, une hypokaliémie, une hypomagnésémie, une thrombopénie, une anémie hémolytique, une rhabdomyolyse et une hypertransaminasémie. Le traitement consiste alors en un arrêt transitoire des apports glucosés et une supplémentation en phosphore par voie veineuse de 0,16 à 0,5 mmol/kg sur 4 à 6 heures si la phosphorémie est inférieure à 0,32 mmol/L et de 0,08 mmol/kg sur 6 heures si la phosphorémie est supérieure à 0,32 mmol/L, à renouveler éventuellement.

(8) Le contrat de poids, à discuter au cas par cas, permet de donner un cadre rassurant pour l’adolescent et des objectifs ; il impose une contrainte externe à la contrainte interne. Il donne des repères à l’équipe soignante afin de se dégager des négociations sans fin autour de l’alimentation et du risque de rapport d’emprise et de manipulation en miroir de la conduite anorexique.

Dans les situations d’hospitalisation, le critère de sortie est principalement la prise de poids en plus de la composante psychiatrique.

Références

Godart N, Perderau F, Gales O, Agman G, Debordes S, Jeammet P. Le contrat de poids durant l'hospitalisation des patientes anorexiques mentales. Arch Pediatr 2005;12:1544-50.

American Psychiatric Association. Practice and guidelines for eating disorders. Am J Psychiatry 1993;150:212-28.

De Tournemire R., Alvin P. Anorexie mentale et dénutrition grave : comment assurer la prise en charge nutrtitionnelle en milieu pédiatrique. Arch Pediatr 2002;9:429-33.