Vous êtes ici


Date de mise à jour 14/05/2017

Anorexie mentale de l'enfant prépubère

 Imprimer le PDF

 

J.-F. Roche1, A. Lienhardt-Roussie2, F. Compain2

1Pôle de pédopsychiatrie CH Esquirol, 87 Limoges, France
2Service de Pédiatrie, Hôpital de la Mère et de l’Enfant, CHU Dupuytren, 87 Limoges, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : Anne.Lienhardt@chu-limoges
 
 
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
 

Arbre diagnostique – Commentaires

(1) Diagnostic : Les portes d’entrée dans le diagnostic d’anorexie mentale prépubère ne sont pas la triade classique amaigrissement-anorexie-aménorrhée, mais plus volontiers des troubles du comportement alimentaire, des troubles psychologiques, un amaigrissement. Il faut se méfier d’une préadolescente qui a débuté sa puberté et qui présente une régression du développement mammaire (diagnostic différentiel : adénome à prolactine, tumeur sellaire).

(2) Des troubles du comportement alimentairepeuvent initialement ne pas être associés à une perte pondérale. Repérer les rapports pathologiques à la nourriture, souvent dans un contexte familial (la famille a elle-même des rapports pathologiques à la nourriture). Repérer les caractéristiques du trouble de comportement alimentaire : tri progressif et sélectif avec un enfant qui peu à peu restreint et supprime des aliments de son alimentation. Rechercher une augmentation de l’activité physique (footing, natation, abdominaux) souvent méconnue des parents. Repérer les vomissements provoqués (pétéchies jugales, morsures jugales…).

(3) Symptomatologie relationnelle et comportementale allant vers la restriction des intérêts et des investissements ; envahissement par des préoccupations quant à l’image du corps et à l’alimentation volontiers déniées, banalisées, rationalisées avec l’aval de la famille.

(4) Amaigrissement: souvent découvert durant l’été, bien caché par l’utilisation de vêtements amples. Rechercher une autre étiologie somatique ou psychiatrique.

(5) Une fois le diagnostic posé, soit par le pédiatre, soit par le pédopsychiatre, une consultation avec l’autre professionnel s’impose pour mettre en place une prise en charge collaborative avec des allers-retours constants entre les deux professionnels de l’enfance.

(6) La consultation du pédiatre a plusieurs objectifs :

  • (6.1) Affirmer l’absence d’une étiologie organique (Crohn, tuber­culose, tumeur…) ou psychiatrique (syndrome dépressif en collaboration avec le pédopsychiatre) ; retracer l’histoire de la puberté naissante si elle a existé.

  • (6.2) Évaluer la gravité de l’amaigrissement : plus qu’une valeur absolue de perte de poids, la rapidité de la perte de poids est importante, s’aider de courbes d’IMC ; évaluer les complications : cytolyse hépatique, hypophosphatémie, hypokaliémie, troubles de l’hémostase ; l’hypokaliémie peut signer la prise occulte de diurétiques, l’alcalose hypochlorémique les vomissements.

  • (6.3) Fixer des poids limites : poids de renutrition entérale, poids d’hospitalisation et contrat de poids à fixer avec les ­pédopsychiatres. Ne pas fixer des objectifs insoutenables, mais des objectifs pondéraux mettant l’enfant hors de danger, objectifs qui seront déjà terribles pour l’enfant ; s’aider de la courbe d’IMC, du poids idéal par rapport à la taille, de la corpulence habituelle (par exemple : renutrition quand IMC < 3e percentile et ce, jusqu’à IMC 15-20e percentile).

  • (6.4) La courbe d’IMC permet souvent de retrouver que les faits ne sont pas si récents que cela et souvent la perte de poids remonte à plusieurs mois, voire quelques années auparavant (tolérance du milieu familial ?).

  • (6.5) Essayer de prévenir les complications à long terme avec principalement un arrêt souvent définitif de la croissance, des troubles de l’accrétion osseuse, reprise ou début pubertaire.

(7) La consultation pédopsychiatrique doit apprécier la capacité personnelle et familiale de prise en compte de la dimension pathologique du trouble et évaluer les facteurs de mobilisation ou de résistance psychique ; prêter attention aux organisations familiales compliantes au symptôme.

(8) Au terme de ce premier bilan pédiatrique et pédopsy­chiatrique, une prise en charge sera proposée, ambulatoire ou hospitalière avec réévaluations régulières et adaptation selon évolution.

Liens d'intérêts

Aucun

Références

Alessi NE, Krahn D, Brehm D, et al. Prepubertal anorexia nervosa and major depressive disorder. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1989;28:380-4.

Askenazy F. Expérience de vie séparée sans rupture pour l’anorectique. Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2009;57;240-4.

Does anorexia nervosa occur in the prepubertal years? Paediatr Child Health 2005;10:378.

Olivry E, Corcos M. Eating disorders. Prepubertal anorexia nervosa. Presse Med 1999;28:100-2.

Treasure J, Claudino AM, Zucker N. Eating disorders. Lancet 2010; 375:583-93.